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Pour l’entendre d'une autre oreille. Rencontre avec Christian Hugonnet

En 2017, à son initiative, 195 pays ont adopté la charte UNESCO sur « l’importance du son dans le monde actuel et la nécessaire promotion de bonnes pratiques », aussi soutenue par l’OMS. Christian Hugonnet, ingénieur son, acousticien et clarinettiste, collabore avec des institutions renommées – de Radio France à l’Ircam – et de grands noms de la musique et du cinéma. Les pistes explorées ici pourraient bien réformer notre façon d'écouter.
«Linceul sonore», sons compressés, micro-silence… écoutez quelques types de sons évoqués dans cette interview. Si possible, privilégiez des écouteurs ou du matériel de haute-fidélité, mais même avec une enceinte bluetooth d'entrée de gamme, l'expérience devrait être probante.

 

Compressé vs. non compressé : exemple avec le Boléro de Ravel

Nous vous proposons une petite expérience, à savoir d'écouter, à même interprétation, le même enregistrement du Boléro de Ravel. Mais l'un sera compressé, l'autre non. 

Version non compressée : 

Version compressée : 

 

Commentaire de Christian Hugonnet :

"La version compressée est celle que l’on écoute en voiture à travers les compresseurs d’antenne des radios.
Le niveau du
Boléro est très fort dès le début et ne variera plus jusqu’à la fin. On ressent une impression de saturation permanente, dépourvue de toute nuance, qui dénature fondamentalement toute l’
œuvre du compositeur. Mais le conducteur aura l’impression d’écouter l’œuvre dès le début  - la compression permet de toujours dépasser le bruit du moteur."

 

Le son compressé à l'assaut des oreilles des enfants

Autre exemple avec deux musiques nativement compressées de jouets suspendus au-dessus des berceaux :

 


Commentaire de Christian Hugonnet :

"Ces musiques sont nativement compressées en niveaux, donc sans aucune nuance, sans aigus et sans graves. 
Ces jouets peuvent être entendus pendant des heures par des nouveau-nés pour qu’ils ne se sentent pas seuls (!!!). On oublie que ces sons déforment leur oreille dès le début de la vie et ne peuvent remplacer la voie chantée du papa ou de la maman."

 

La rumeur de la ville - un linceul sonore

 


Commentaire de Christian Hugonnet :

"Elle est incessante, masque les conversations et nous force à parler plus fort. C’est cette rumeur qui ne désemplit jamais dans les villes et qui ressemble à un linceul sonore. 
Elle masque tous les micro-bruits (bruits de pas, chuchotements, bruits de feuilles...). En couvrant les conversations de manière continue, elle finit par empêcher les gens de communiquer, de se parler ; elle participe ainsi à l’effondrement des vies de quartier et au développement de l’individualisme."

 

Le son monte !
La Revue des livres pour enfants n°313
>> présentation du dossier et sommaire des compléments sonores