Harvey : comment je suis devenu invisible
Plusieurs doubles pages se succèdent comme un album sans texte : paysage de nuit, paysage d'hiver, silence de plomb. Et finalement, un personnage à vélo… et cette phrase : « Tout le monde m'appelle Harvey. » On est au Canada chez le père et la mère Bouillon. Et puis, il y a Cantin, le petit frère qui est plus grand que son aîné, celui qui peut tout faire, celui dont il faut récupérer les affaires. Et puis, le printemps, la saison où Cantin et Harvey perdent leur Papa Bouillon, l'époque où Harvey devient invisible… Un album dont le récit vous prend à la gorge, un album étonnant qui se rapproche du roman graphique par son format et dont la fin interroge vraiment. Le cercueil va être refermé et Harvey demande à son frère de ne pas s'approcher du corps de leur père et lui propose à la place de recréer par le dessin ce père disparu. Cantin refuse, il veut une dernière image de son père, une vraie. C'est alors que Harvey lui aussi va voir son père mort en se juchant dans les bras de son oncle... et disparaître littéralement de l'image. À relire le livre plusieurs fois, une interprétation vient : comme Cantin refuse à Harvey de s'approprier la mort du père « avec des paroles, des traits, et des couleurs et des expressions », Harvey devient invisible. Le mot « couleur » sonne tout d'un coup comme un révélateur dans cette histoire dessinée dans des tons noirs et marron.
Le 01/09/2024, par Fanny Carel (publié dans La Revue des livres pour enfants, n° 337)